Intervention de Pierre Laurent lors de la conférence de presse du PCF sur « Rassembler autour dune nouvelle ambition pour lEcole », le 2 septembre 2010 :
Nous avons souhaité tenir cette conférence de presse le jour même de la rentrée scolaire parce quil est urgent de mettre un coup darrêt au démantèlement de lÉcole publique, urgent aussi de rassembler la communauté éducative autour dune alternative à la politique gouvernementale. Stéphane Bonnery est avec moi aujourdhui, il est le conseiller national en charge de léducation de notre parti.
En tant que conseiller régional de lÎle-de-France, je veux dabord dire quelques mots de létat desprit de la majorité régionale en cette rentrée. Les conditions dans lesquelles est mise en uvre la réforme du lycée en classe de seconde sont selon nous inadmissibles : comme vous le savez, les décisions unilatérales du gouvernement, de surcroit dans des délais non conformes au code de léducation, conduisent aujourdhui la région à faire face à une dépense de 20 millions deuros, non inscrite au budget 2010. Sous limpulsion de mon amie Henriette Zoughebi, vice-présidente en charge des lycées et des politiques éducatives, la majorité régionale a malgré tout décidé de maintenir la gratuité des manuels et de placer cette rentrée 2010 sous le signe de la mobilisation pour la réussite de tous les élèves.
Cette attitude scandaleuse de la part du gouvernement est révélatrice de loffensive réactionnaire engagée par la droite contre lÉcole publique.
Nous étions il y a quelques instants devant lIUFM de Paris, un IUFM condamné à disparaître avec la réforme de la formation des enseignants.
Pour les communistes, lélévation de la formation des enseignants au niveau Master nest évidemment pas un problème. Dans une société où les connaissances progressent plus vite que jamais, cest tout à fait légitime. Mais la volonté du gouvernement est tout autre. Il vise à réduire lengagement de lÉtat dans la formation des futurs enseignants en remplaçant une année de formation rémunérée dans les IUFM par des années supplémentaires à luniversité à la charge des étudiants pour économiser le coût de la formation. Vous noterez quau passage les futurs enseignants perdent une année de cotisation retraite !
Mais les conséquences de cette réforme ne sarrêtent pas là, loin sen faut : Comment les milliers de professeurs stagiaires débutant en collèges et lycées à plein temps dès cette année vont-ils pouvoir former correctement les élèves et sépanouir dans leur métier sans se voir dispenser une formation adéquate ? Par ailleurs, 16.000 postes viennent dêtre supprimés cette année (il y en aura encore 17.000 en 2011 et cela portera à 65 000 le nombre de suppressions de postes entre 2007 et 2011 alors que la natalité se maintient) Cest grave pour lencadrement des élèves mais aussi pour lavenir des étudiants qui se destinent à lenseignement. Que feront les dizaines de milliers détudiants qui obtiendront leur master sans être recrutés ? Ils constitueront une armée de réserve condamnés à la précarité comme contractuels ou vacataires.
Une formation dégradée et un statut gravement menacé pour les futurs enseignants, cest cela la politique de Monsieur Chatel !
Des mesures durgence simposent. Nous demandons larrêt immédiat de la RGPP dans léducation et le relèvement du nombre de postes aux concours (lannonce récente de la diminution de moitié des recrutements dans le primaire en 2011 (2 916 postes de professeurs des écoles sont proposés contre 6 577) est inadmissible.
Les réformes éducatives en cours et à venir sont présentées par le gouvernement comme techniques mais mettez-les bout à bout et vous ne tarderez pas à obtenir un puzzle sordide.
La réforme du lycée, en instaurant un socle minimal de connaissance pour certains élèves et un programme complet pour les autres, rompt notre principe républicain dégalité devant le droit à la formation. La future étape est connue de tous, cest lautonomie des établissements. Cette autonomie est introduite progressivement : dans la réforme du lycée un quart du volume horaire ne correspond déjà plus à des cours relevant dun cadrage national mais du libre choix du conseil pédagogique de létablissement.
Cette mesure renforce la concurrence entre les élèves et entre les établissements au détriment de logiques de coopération. Nous demandons sa suppression. Le programme expérimental CLAIR montre quant à lui la volonté gouvernementale daller vers un recrutement des professeurs par les chefs détablissements. Et lautonomie financière des établissements achèvera de créer une École à plusieurs vitesses.
Des professeurs inégalement formés pour des écoles aux objectifs différents, voilà le réel but de la politique gouvernementale actuelle !
Et à qui tout cela va profiter ? La réponse est simple : aux intérêts privés qui pourront peu à peu sengouffrer et se goinfrer dans un nouveau marché de léducation. Cest déjà le cas pour lenseignement supérieur avec la mise en place de la loi LRU et ce sera bientôt le cas pour lenseignement secondaire.
Ce gouvernement na décidément quun programme : servir les milieux de largent ! Dun côté, sa politique économique et fiscale permet aux grandes entreprises du CAC 40 de se constituer un trésor de guerre de plus de 80 milliards deuros et de lautre ses réformes du système éducatif sacrifient lavenir dune grande part de la jeunesse. Dans un contexte, je vous le rappelle, où le taux de chômage des 15-24 ans dépasse les 23% dans notre pays et alors que lOrganisation Internationale du Travail elle-même parle déjà de « génération perdue », la politique éducative du gouvernement aura leffet dune bombe ! Dautant que le recrutement au niveau Master, sil nest pas accompagné de pré-recrutements, risque de découragés les jeunes de milieux populaires. Or cest un grand enjeu que davoir un corps enseignant à limage de la société.
Vous lavez compris, les communistes sont bien décidés à riposter en ne cédant pas un millimètre au gouvernement dans son objectif de démantèlement de lÉcole publique. Mais sarrêter là serait sarrêter au milieu du chemin.
A partir des luttes qui se développent dans tous les secteurs de léducation, nous voulons également permettre à toutes celles et ceux qui le souhaitent de construire et de porter ensemble une ambition nouvelle pour lÉcole.
Je lance en ce sens aujourdhui un appel à lensemble des professeurs, des étudiants, des élèves et de leurs parents à travailler aux axes incontournables dune réforme de léducation quune nouvelle majorité politique de gauche devrait impérativement mettre en uvre. Cest une partie essentielle du pacte dunion populaire que nous voulons élaborer avec les Français.
Je vous donne un premier rendez-vous à la Fête de lHumanité à loccasion de laquelle nous tiendrons un grand Forum sur lÉcole avec la participation de Bernadette Groison, secrétaire nationale de la FSU, Jean-Jacques Hazan, président de la FCPE et Jacques Bernardin, président du GFEN. Stéphane et Henriette y interviendront pour notre parti.
Avant la tenue de cet événement, nous voulions dores et déjà profiter de cette rentrée scolaire pour vous faire part des principes qui doivent selon nous être le cur de toute réforme progressiste de lÉcole.
Contrairement aux mesures régressives du gouvernement, nous pensons quau XXIe siècle il est possible de franchir une nouvelle étape de démocratisation scolaire.
Celle-ci passera par :
lallongement des scolarités (obligatoire de 3 à 18 ans, avec une possibilité de scolarisation dès 2 ans pour les parents qui le souhaitent ; un accès plus large et dans de meilleures conditions à lenseignement supérieur) ;
la démocratisation de la réussite dans les apprentissages scolaires (lutte contre les inégalités par la réintroduction de la logique de carte scolaire, le développement de plans durgences pour rattraper le retard en équipements et en personnels, je pense en particulier à lembauche plus massive denseignants dans les zones prioritaires ; et de plans durables de Recherche en éducation : il faut mettre fin aux attaques actuelles contre lINRP) ;
une culture commune exigeante (scolarité réellement unique jusquau collège - pas de programmes à plusieurs vitesses). Nous refusons lindividualisation des objectifs qui visent à tirer vers le bas le niveau de formation pour un très grand nombre délèves et pensons que tous les moyens doivent être aujourdhui consacrés à linvention et à la promotion de pratiques différenciées pour légalité daccès aux savoirs.
En ce sens, nous demandons le rétablissement immédiat des moyens supprimés aux mouvements pédagogiques (GFEN, cahiers pédagogiques, ICEM).
un cadre national des diplômes dans chaque formation pour une reconnaissance réelle des qualifications. Il faut mettre un terme à lindividualisation actuelle qui a des effets dévastateurs pour les jeunes lors de leur arrivée sur le marché du travail.
un investissement budgétaire massif. La part du PIB consacrée à lÉducation est passée de 7,6% en 1995 à 6,6 en 2008 alors que le besoin délévation du niveau de connaissances na cessé daugmenter ces dernières années. Plus de moyens, ce nest pas la clé de tout, mais cest indispensable. Linvestissement éducatif est dailleurs aujourdhui un des moyens de lutter contre la crise dans laquelle senfonce le système capitaliste.
Stéphane pourra bien sûr détailler si besoin ces propositions au cours de notre échange.
A lheure où le gouvernement met tout en uvre pour adopter la réforme des retraites à marche forcée, permettez-moi, pour terminer mon propos, de vous faire part dune proposition à laquelle je tiens particulièrement. Au moment où de nombreux jeunes enseignants font leur rentrée, je pense à la validation des années détudes dans le calcul de la retraite. Cette mesure serait une véritable avancée cohérente avec lallongement important de la durée des études constaté ces dernières décennies, une avancée garante dune ambition de justice dans la réponse à un nouveau besoin qui se fait jour.
Voilà ce que je souhaitais vous dire à loccasion de cette rentrée. Je vous remercie.