INTERVIEW - Pierre Laurent Le secrétaire national du PCF et sénateur de Paris, veut des "réformes de gauche plus importantes".
Pierre Laurent Paru dans leJDD
La semaine entre les communistes et la majorité a été tendue, à la suite du vote mardi des sénateurs du Front de gauche. Le patron du PCF sexplique.
La proposition de loi sur lénergie est le premier texte du quinquennat à être retoqué par une chambre de gauche...
Nous avons proposé au gouvernement de voter les articles avec lesquels nous étions daccord comme les tarifs sociaux et lélargissement de la trêve hivernale pour les coupures de courants et de sortir ce qui faisait problème, cest-à-dire la dérégulation des tarifs. Cette solution a été refusée. Le gouvernement a voulu passer en force. Nous avons refusé cette mise au pied du mur.
Allez-vous vous abstenir sur la partie recettes du budget?
Nous avons soumis à lAssemblée des propositions damendements, notamment pour renforcer lISF, pour abandonner les concessions aux "pigeons", pour revaloriser les tranches dimpôt sur le revenu. Sur aucun de ces amendements nous navons été entendus. Nous allons à nouveau les proposer au Sénat. Si des progrès significatifs ne sont pas enregistrés, nous serons conduits à maintenir notre abstention.
«Le gouvernement devrait être un peu moins à l'écoute des grands patrons et plus à l'écoute de nos propositions.»
Souhaitez-vous rencontrer Jean-Marc Ayrault à ce sujet?
La situation au Sénat appelle pour le moins une rencontre afin de travailler sur le budget. Nous avons des propositions, elles doivent être entendues.
Pourriez-vous également vous opposer au projet de loi de financement de la Sécurité sociale?
En létat, nous le jugeons très inquiétant. Il y a quelques mesures positives - comme le remboursement à 100% de lIVG - mais larchitecture générale est toujours celle de lancienne majorité de droite. Le drame de Figeac montre quun moratoire sur les fermetures des services hospitaliers serait un minimum. Si nous nobtenons pas des modifications importantes au Sénat, nous voterons contre.
Avec ces votes, quel message envoyez-vous au gouvernement?
Il y a besoin dun nouvel élan vers la gauche. Et rapidement. Le gouvernement devrait être un peu moins à lécoute des grands patrons et plus à lécoute de nos propositions. Si Jean-Marc Ayrault veut mener une politique de gauche, il aura plus besoin des communistes que des professionnels du dividende, qui sont mobilisés pour se mettre en travers du changement. Plutôt que daller en permanence au-devant de leurs désirs en croyant apaiser leur chantage sur la compétitivité, il ferait mieux de sappuyer sur les forces sociales et politiques disponibles. Quant à ceux qui, à gauche, disent que nous votons avec la droite, ils devraient tourner sept fois leur langue dans leur bouche avant de dire de pareilles bêtises. Ils ont la mémoire courte?! Cest le PS qui vient dadopter le traité budgétaire européen avec les voix de la droite.
Le divorce est-il grandissant avec le PS?
Le divorce nest pas de notre fait. Mais la politique du gouvernement nest pas à la hauteur de la crise. Il faut des réformes de gauche plus importantes. Si le gouvernement nentend pas cette exigence, il aura un problème non pas avec les communistes mais avec les salariés qui ont voté pour le changement.
Êtes-vous dans lopposition au gouvernement?
Nous ne sommes pas une opposition de gauche. Nous sommes une force de construction. Quand les mesures proposées vont dans le bon sens, nous les votons, comme nous lavons fait pour le renforcement de la loi SRU ou pour la fin du bouclier fiscal. Mais nous refusons ce qui nous paraît contraire à lintérêt populaire. Par ailleurs, nous ne cessons de faire des propositions comme sur linterdiction des licenciements boursiers, que les sénateurs socialistes avaient votée en février dernier, ou sur lamnistie des syndicalistes. Mais ces lois ne sont toujours pas inscrites au débat parlementaire.
«Le cap du gouvernement permet-il daffronter la crise? Non, pour le moment.»
Êtes-vous, comme le pense Jean-Luc Mélenchon, un recours à un éventuel échec de cette majorité?
Lheure nest pas à faire des paris sur lavenir. Je ne souhaite pas un échec de la gauche, qui servirait à lévidence la droite de Copé et Fillon. Si nous avons créé le Front de gauche, cest précisément pour ne pas nous laisser enfermer dans un dilemme mortifère?: ou le retour catastrophique de la droite ou léchec de la gauche.
Quel bilan tirez-vous de ces premiers mois de gouvernement?
La question du bilan ne mintéresse pas beaucoup. Ce qui compte, cest le cap. Est-ce que le cap du gouvernement permet daffronter la crise? Non, pour le moment, ce cap nest pas le bon. Nous demandons quil soit corrigé.
En cas dinvalidation de lélection de Philippe Kemel dans la circonscription dHénin-Beaumont, souhaitez-vous que Jean-Luc Mélenchon y retourne?
Cest un scénario de fiction. Sil y avait invalidation, lobjectif prioritaire devrait être dempêcher Marine Le Pen dentrer au Parlement.
Arthur Nazaret - Le Journal du Dimanche