Rejeter le nouveau traité européen
by Patrick Le Hyaric, Député européen
Un groupe de chercheurs rassemblé dans une fondation -lEuropean Council on Foreign Relations-, basée à Londres, alerte sur les « décrochages européens ». « Les nuages noirs saccumulent sur lEurope », écrivent-ils.
Ils prédisent même que la crise « risque de faire sentir ses effets en 2012 et les années suivantes ». De fait, dans plusieurs capitales à travers le monde on salarme sur les conséquences du dogme de laustérité appliqué à lUnion européenne. Celui-là même que les dirigeants de lUnion européenne sous la dictée de Mme Merkel et M. Sarkozy tentent de « constitutionnaliser ». La Grèce quils mettent de fait sous tutelle est leur terrain dexpérimentation. La confédération européenne des syndicats refuse ces projets. Elle refuse aussi le nouveau traité européen. Voilà un bon point dappui pour les peuples européens.
Ce nouveau traité européen, adopté le lundi 31 janvier par le Conseil européen est dune extrême gravité. Il doit être ratifié définitivement par ce même Conseil dans quelques semaines, au premier jour de mars. Sans tenir compte de lopinion des citoyens européens, Merkel et Sarkozy veulent limposer au nom dune prétendue « parole de lEtat ».
Destiné à être intégré au traité de Lisbonne pour aggraver encore ses orientations négatives, il ne fait pourtant lobjet daucun décryptage, daucune information précise, daucun débat dans les grands médias, dont la spécialisation semble être devenue la chasse à la petite phrase, à la valorisation-banalisation de lextrême -droite, à la dérision abêtissante, à la bipolarisation politicienne, à lacharnement à déguiser en populiste tout responsable politique de gauche qui ne rentrerait pas dans le cadre de la pensée unique ultralibérale.
Ces mêmes observateurs, partie intégrante du petit microcosme politico-médiatico-sondagier font croire quils attendent avec impatience des programmes présidentiels quils passent à leur scanner programmé avec des idées de droite. Ainsi, dimanche dernier, lors dune émission de radio, chaque proposition de Jean-Luc Mélenchon se voyait rétorquer de cette phrase : « LAllemagne ne voudra pas ». Qui est lAllemagne ? Mme Merkel qui vient faire la campagne de son petit télégraphiste Sarkozy en France pour y imposer les mêmes recettes qui font tant de mal à sa population ? Ou nest-ce-pas le peuple allemand qui souffre des choix ultralibéraux de Mme Merkel ? Tout ce petit monde de "spécialistes" se dit européen et à ce titre a mené campagne pour tous les traités. Mais quelle est donc cette nouvelle conception de la construction européenne qui voudrait que les dirigeants d'un seul pays imposent leurs vues à tous les autres ! A la sainte alliance du Merkozysme, nous opposons lunité dans laction des travailleurs allemands et français avec tous ceux de lEurope. Le programme de M. Sarkozy consiste à terminer le travail qu'il mène depuis cinq ans au service des puissances dargent. Cest tout le sens de lexposé de sa dernière émission de télévision. Cest tout le sens du nouveau projet de traité européen. Le fil rouge qui les relie est le texte du Pacte Euro plus, qui est le programme commun de lultra droite allemande et française. En réalité, il sagit du ralliement, de la capitulation sans condition de M. Sarkozy devant les choix antisociaux de Mme Merkel qui font que l'Allemagne détient le record de la précarité et un niveau de pauvreté supérieur à beaucoup d'autres sur notre continent.
Le nouveau traité européen est un mécanisme autoritaire à tendance dictatoriale, bafouant les souverainetés populaires. A la différence de la négociation des précédents accords ou traités européens, où les constitutions nationales étaient modifiées a posteriori pour se mettre en conformité avec eux, cette fois, cest un texte européen qui simpose a priori aux constitutions nationales avec lobligation qui est faite aux Etats, sans vote de leurs parlements nationaux, dy inclure le principe autoritaire de la « règle dor ». Ce carcan contraignant oblige les Etats à léquilibre budgétaire, mais aussi les caisses de protection sociale et les budgets des collectivités locales. Et il ne sagit pas de nimporte quelle règle ! Le traité de Maastricht et de Lisbonne avait retenu le principe de non dépassement des déficits à 3% des richesses produites dans le pays. Objectif déjà difficile à atteindre. Mais, cette fois, la norme est abaissée à 0,5% de déficit structurel. Ainsi, aucune dépense de long terme ne pourrait être engagée, comme par exemple les plans pluriannuels d'embauche de salariés dans les secteurs publics, de la santé, de la recherche ou de lenseignement.
Le projet de traité vise à constitutionnaliser la réduction des dépenses publiques et sociales, avec cette norme de 0,5% de déficit à ne pas dépasser, comparée à la valeur des richesses produites, en obligeant les Etats à « lintroduction de dispositions nationales contraignantes, de nature constitutionnelles ou équivalentes ». Mais encore plus fort ! Pour être vraiment sûr que cet oukase budgétaire sera vraiment appliqué, la cour de justice européenne tranchera et sanctionnera tout Etat ne respectant pas la règle, en le condamnant à une amende allant jusquà 0,1% de son produit intérieur brut. Il y a dailleurs ici une bizarrerie juridique. En effet, ce traité se fait en dehors des structures communautaires puisque deux pays ne lont pas signé. La Commission ne peut donc pas le signer non plus. Pour poursuivre un Etat, la Commission demandera donc à un autre Etat de déposer plainte pour elle auprès de la cour de justice.
Puis, un Etat qui sera sous le coup « dune procédure de déficit excessif » sera placé « sous tutelle » dans le cadre dun « programme de partenariat économique et budgétaire » obligatoire. Ce programme est exactement celui appliqué à la Grèce, sous le contrôle du Conseil et de la Commission européenne. Larticle 11 de ce traité oblige chaque Etat à soumettre « toutes les grandes réformes de politique économique quil envisage » à lapprobation des autres Etats. Cette « coordination doit impliquer les institutions de lUnion européenne tel que requis par la loi de lUnion européenne ». Ainsi, pour relancer son économie, développer son tissu industriel et agricole, lancer un programme de grands travaux répondant aux besoins de la métamorphose écologique, un gouvernement devrait obtenir laccord des institutions européennes. Si ce nest pas la tutelle renforcée par des organismes supranationaux, quest-ce ?
Pour simposer, ce traité ne devra pas obligatoirement recevoir laccord de tous les pays. Dès lors que « douze pays lauront adopté, il sera réputé adopté pour tous ». Quel mépris de la démocratie et de la souveraineté des Etats !
Pour être certains que la tutelle de la finance sexercera dune main de fer, tout Etat en difficulté sera placé sous légide du mécanisme européen de stabilité, (le M.E.S), sorte de « Fonds monétaire international européen » chargé dappliquer un plan dajustement structurel dans chaque pays.
Ce M.E.S a été décidé dans le cadre du Pacte Euro plus. Celui-ci devient une référence à part entière du nouveau traité. Cest dailleurs en vertu de ce Pacte Euro plus (Le Pacte des rapaces) que M. Sarkozy a décidé dimposer laugmentation de la TVA de 1,6 point et de lancer le « pacte compétitivité emploi ». La nouvelle taxe Sarkozy ajoute un cadeau supplémentaire de 13 milliards deuros aux grandes entreprises et commence à changer le mode de financement de la protection sociale en portant un coup de canif au financement solidaire à partir dune répartition des fruits du travail. Voilà que cette part serait abaissée et que la porte serait ouverte pour la fiscalisation du financement de la protection sociale, avec limpôt le plus injuste, limpôt indirect : la TVA.
Cest en vérité une baisse des salaires qui est envisagée, doublée dune augmentation des prix à la consommation.
Le second axe sarkozyen est dans le droit fil du premier. Le « contrat compétitivité emploi » est une torpille contre le code du travail. Il sagit selon la lettre du Premier ministre de permettre aux entreprises de disposer dune « capacité dadaptation face aux chocs conjoncturels dactivité ». A partir de là, des accords dentreprises doivent être trouvés pour abaisser les salaires, faire varier le temps de travail. Bref, il ny a plus dobligation à respecter le code du travail et les conventions collectives. Tout ceci se fait au nom du sacro-saint principe de la « COM-PE-TI-TI-VI-TE » : mettre les salariés et les retraités en compétition, en concurrence entre eux, sur toute la planète pour les aligner sans cesse, marche descalier après marche descalier descendant sur ceux qui sont le moins payés.
Le projet de traité européen, le Pacte Euro plus et le programme Sarkozy ne sont quun même projet. Il constitue une machine de guerre contre les peuples au seul service du monde de la finance. Ne laissons pas faire ! Il ny a pas de demi-mesure possible. Il y a besoin que se lève un grand mouvement contre ces projets. Battre Sarkozy, Bayrou ou Le Pen à lélection présidentielle en serait la première étape. Utiliser cette élection présidentielle pour réclamer une consultation populaire sur le nouveau traité, tout en travaillant à une unité des forces progressistes et des peuples européens pour une autre Europe, en constituerait une autre.
Le vote Front de Gauche, le vote Jean-Luc Mélenchon est un moyen efficace de peser dans ce sens. Disposer dune nouvelle majorité de gauche bien ancrée à gauche grâce à de nombreux parlementaires du Front de Gauche, donnera au mouvement populaire les points d'appui nécessaires pour défaire ces néfastes projets qui enfonceraient encore plus lUnion européenne dans dinextricables difficultés comme le prédisent désormais nombre danalyses.
Sortir de laustérité, refuser ce traité permettra enfin de s'attaquer à la crise.