Alors quid des 60000 postes annoncés en 2012 ?

60 000 postes crées .... au moins sur le papier ! (par Sylvie Ducatteau, L'humanité du 30 septembre)

Le gouvernement assure avoir réalisé sa promesse de création d’emplois dans l'éducation nationale et l’enseignement supérieur. Un bilan très optimiste, selon les syndicats, qui ne font pas les mêmes calculs.

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À huit mois de l'élection présidentielle, la ministre de l’Éducation nationale a choisi la méthode Coué. Deux heures à peine après le conseil des ministres Consacré, mercredi matin, à la dernière loi de finances du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem a défendu bec et ongles le prochain budget de l’éducation et le bilan de François Hollande. « L’influence de ce quinquennat sur le budget de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche est immense. Premier budget de la nation, il prouve la priorité à la jeunesse », s’est enflammée la ministre en présentant les chiffres à la presse. L’un d’eux tient la tête d’affiche : « Soixante mille postes, engagement tenu ! » a-t-elle répété une semaine tout juste après une campagne de communication très offensive sur le sujet. Cette promesse emblématique a-t-elle vraiment été réalisée ?

Sur le papier, 12 842 postes sont bel et bien inscrits au budget 2017, s’ajoutant au 47 158 déjà créés. Soit exactement – au poste près ! – la volonté édictée par le futur président le 9 septembre 2011 à Soissons (Aisne). Une promesse traduite dans la loi de refondation de l’école votée en juillet 2013 et qui devait se décliner précisément par 54 000 postes dans l’enseignement scolaire, 1 000 dans l’enseignement agricole et 5 000 dans l’enseignement supérieur et la recherche. Un plan de bataille parfaitement suivi donc ? Pas vraiment.

Déjà, dans l’enseignement supérieur et la recherche, seuls « 75 % à 80 % de ces postes ont vraiment vu le jour », a reconnu Thierry Mandon, le secrétaire d’État. De fait, entre 1 000 et 1 250 emplois ont été gelés par les universités depuis 2012, incapables de les financer pour cause d’austérité budgétaire. À déduire donc de la bonne nouvelle de Najat Vallaud-Belkacem.

Par ailleurs, le gouvernement, histoire d’arriver à son compte rond, a opportunément intégré dans son budget 2017 les 2 150 emplois d’assistants d’éducation (AED). « Ils n’étaient, jusqu’ici, jamais comptabilisés dans ce budget », s’agace le Snes-FSU. Le syndicat des enseignants du second degré a sorti sa calculette et arrive à un résultat moins réjouissant. « Les 60 000 emplois sont prévus sur le papier, mais une grande partie est destinée à financer la formation. » En clair, la moitié des nouveaux moyens (26 000) sont en réalité des postes de stagiaires qui ont accompli leur année de formation en alternance. Au final, seuls 20 600 postes d’enseignants titulaires ont été créés sur le quinquennat. « Après 70 000 suppressions de postes sous Nicolas Sarkozy et une démographie en hausse constante depuis cinq ans dans les collèges puis les lycées, ces moyens sont notablement insuffisants », estime le Snes.

Des postes créés mais non « consommés »

De plus, qui dit poste créé ne dit pas forcément poste pourvu. Depuis des années, la crise du recrutement est rude dans le secondaire, notamment pour des matières comme les mathématiques ou encore les lettres classiques. Ainsi, selon la Cour des comptes, un quart des emplois prévus entre 2013 et 2015 n’auraient pas été « consommés »… Cela pourrait expliquer l’impressionnante inflation des effectifs par classe dans le secondaire. Depuis cinq ans, la part des classes de lycée comptant de 35 à 39 élèves est passée de 25 % à 41 %. La moyenne du nombre d’élèves par classe a grimpé de 28,3 à 30.

Côté primaire, les chiffres interrogent également. De 2012 à 2016, 13 011 postes de stagiaires et 6 022 postes de titulaires ont été créés dans les écoles. Mais, dans le même temps, elles ont dû scolariser 66 476 élèves supplémentaires. « Une partie des nouveaux postes a donc servi à répondre à la croissance démographique », souligne le SNUipp-FSU. Résultat : l’État n’a déployé que très partiellement les deux mesures phares de la loi de refondation : l’accueil des enfants de moins de 3 ans en maternelle et le dispositif « Plus de maîtres que de classes ». Pour le premier, seuls 1 200 emplois ont été créés sur les 3 000 prévus. Pour le second, 3 500 ont été déployés contre 7 000 programmés initialement. Pour le SNUipp, 6 522 postes seraient nécessaires pour déployer totalement ces deux mesures. Une ligne budgétaire inquiète particulièrement le SNUipp. Celle des postes de stagiaires. Aucun n’est financé pour 2017. « Les 13 000 postes budgétés depuis 2012 sont-ils de nature à répondre aux besoins existants alors que l’on fait de plus en plus souvent appel à des personnels contractuels ? » interroge le syndicat. À l’évidence, non. Ce qui n’empêche pas Najat Vallaud-Belkacem d’anticiper « une rentrée 2017 merveilleuse ».

budget 2017 : en hausse mais trop juste face aux besoins

Les prévisions budgétaires 2017 pour les écoles, collèges, lycées (publics et privés) et leurs 12,4 millions d’élèves s’élèvent à 68,64 milliards d’euros (+ 2,15 milliards d’euros). 23,85 milliards (+ 281 millions) sont promis à l’enseignement supérieur et la recherche pour 2,6 millions d’étudiants. Soit un budget global de 92,5 milliards d’euros, majoré de 3 milliards d’euros par rapport à 2015. Pas sûr que cela suffise pour faire face à la hausse des effectifs (140 000 élèves et étudiants supplémentaires en 2015) et aux nombreuses réformes en cours.

58 000 C’est le nombre d’élèves supplémentaires attendus à la rentrée 2017. Il y en avait déjà 53 000 de plus en 2016 et 39 000 en 2015.

Sylvie Ducatteau