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Début septembre, la direction d’Alstom annonçait son intention de fermer son site de Belfort, seul lieu en  France  de  production  des  motrices  de  TGV  et  de  locomotives.  Outre  qu’elle  représenterait  un désastre pour l’emploi dans une région déjà sinistrée par le chômage et la désindustrialisation, alors que l’industrie ferroviaire est en plein boum mondial et européen et qu’Alstom en est le 3 e  acteur mondial avec un confortable carnet de commandes de 30 milliards d’euros, cette décision implique une perte de savoir‐faire irréversible pour notre pays.


En  effet, les métiers du ferroviaire sont spécifiques et, en  plus de  la formation  initiale, ils  demandent souvent plus de huit ans d’initiation par des pairs à des savoir‐faire particuliers. Or, la moyenne d’âge des salariés de Belfort est de plus de 48 ans.
Si  la  direction  d’Alstom  parvient  à  fermer  Belfort,  non  seulement  cela  sera  un  drame  humain  et social,  mais  la  France  ne  sera  plus  capable  de  produire  sur  son  sol  des  motrices  de  TGV  et  des locomotives pour des décennies.

Or, avec la lutte contre le réchauffement climatique, le développement des mégapoles urbaines et des  liaisons  intercités  rapides  et  fiables,  jamais  l’humanité  n’a  eu  autant  besoin  de  transports ferroviaires.

Partout dans le monde, ce mode de transport est en pleine expansion. Le marché ferroviaire mondial devrait croître de 2,7%, dont 2% en Europe d’ici 2019. En 2013, il représentait déjà plus 150 milliards de dollars dont 41 milliards en l’Union européenne et 58 milliards de dollars pour le seul matériel roulant.

Pour sa part, l’industrie française du ferroviaire reste la 3 e  du monde, derrière la Chine et l’Allemagne. Alstom est le 3 e  constructeur mondial derrière Bombardier et Siemens. Entre avril 2015 et mars 2016, il a engrangé 10,6 milliards d’euros de commandes, portant le total de son carnet de commandes à 30,4 milliards  d’euros.  Son  résultat  d’exploitation  est  en  progression  de  23%  par  rapport  à  l’année précédente et il a distribué 3,2 milliards d’euros à ses actionnaires à travers une offre publique de rachat d’actions. Alstom a largement bénéficié du CICE et du CIR.

L’appui des services de l’État, comme la réputation d’excellence technique que lui apporte le fait d’avoir la SNCF pour client, sont pour beaucoup dans ses succès à l’exportation.

Le choix de la direction d’Alstom de fermer Belfort n’est pas celui d’une entreprise en difficulté face à  un  environnement  hostile,  il  est  un  choix  stratégique  de  produire  de  moins  en  moins  sur  le territoire  français.  Il  s’agit  de  ne  plus  être  un  fabricant  de  trains  mais  un  intégrateur  dont  le  métier serait  de  concevoir  puis  de  définir  des  spécifications,  acheter,  homologuer  et  mettre  en  services  des matériels roulants en faisant supporter le maximum de risques et de coûts aux équipementiers. C’est la poursuite de la stratégie de « l’entreprise sans usines » qui a conduit Alcatel‐Alsthom au désastre. Et, à la veille des échéances électorales de 2017, la direction d’Alstom entend prendre en otage les salariés de l’usine de Belfort pour faire financer sa stratégie par l’État via la commande publique de la SNCF et de la RATP.
Cette  stratégie,  qui  répond  aux  exigences  de  court  terme  des  actionnaires,  est  contraire  aux intérêts  et  à  l’emploi  de  l’ensemble  des  salariés  du  groupe  Alstom  et  à  ceux  de  l’ensemble  de  la filière  ferroviaire  française.  Elle  ne  permettra  pas  de  résister  à  la  concurrence  mondiale  des nouveaux entrants low cost, qu’ils soient chinois, coréens, polonais ou espagnols. Elle s’oppose en France  et  en  Europe  au  déploiement  d’une  industrie  ferroviaire  au  service  d’une  politique  de transports, de mobilité pour tous et d’un développement durable et écologique des territoires.
Depuis quinze ans, en s’interdisant d’avoir une politique industrielle, les différents gouvernements ont conforté  cette  stratégie,  y  compris  en  acceptant  en  2014  le  dépeçage  d’Alstom  par  General  Electric, alors  qu’avec  la  commande  publique  et  leur  présence  dans  l’actionnariat  d’Alstom,  les  leviers nécessaires  pour  s’y  opposer  et  proposer  une  alternative  existaient.  Or,  depuis  quinze  ans,  les gouvernements successifs  n’ont rien fait,  ou si  peu,  pour  le  développement du fret  ferroviaire.  Ils  ont fermé  de  nombreuses  lignes  de  chemin  de  fer,  renoncé  à  l’éco‐taxe  destinée  à  financer  les infrastructures  et,  cerise  sur  le  gâteau,  avec  la  loi  Macron,  contre  toute  rationalité  écologique,  la concurrence du train par des bus low cost a été légalisée et favorisée. Pire, aujourd’hui, alors que l’État est  actionnaire  d’Alstom  à  hauteur  de  20%,  le  gouvernement  est  dans  un  déni  en  jurant  ses  grands dieux  qu’il  ne  savait  rien  sur  la  fermeture  de  Belfort.  Ce  qui  relève  soit  de  l’incompétence,  soit  du cynisme.

L’Union européenne, le Conseil des États comme la Commission, ont une grande responsabilité dans le chaos ferroviaire qui règne sur le continent et dont le projet de fermeture de l’établissement de Belfort est aussi une conséquence. En effet, les différents paquets ferroviaires imposant la concurrence de tous contre  tous  et  l’absence  de  politique  industrielle  autre  que  celle  du  libre  échange  via  les  accords  de l’OMC,  ont  empêché  la  construction  d’une  Europe  du  transport  ferré  basée  sur  la  coopération  des grandes compagnies publiques de chemin de fer et la création d’un « Airbus » du matériel roulant. Le résultat  du  dogmatisme  libéral  de  l’Union  européenne  conduit  à  ce  que  les  grandes  plateformes numériques  d’outre‐Atlantique  sont  devenues  des  concurrents  commerciaux  redoutables  pour  les compagnies  de  chemin  de  fer  européennes  et  les  constructeurs  de  matériels  ferroviaires  européens, Siemens y compris, sont menacés à terme par les constructeurs low cost coréens et chinois.

Afin  de  garantir  l’emploi  sur  le  site  de  Belfort  et  le  plan  de  charge  des  sous‐traitants  de  cet établissement et d’assurer la pérennité et le développement d’un pôle d’étude et de production de motrices  et  de  locomotives  sur  le  territoire  français  répondant  aux  besoins  de  transport,  de mobilité et de développement écologique et durable de notre temps, le Parti communiste français propose :
 Qu’un moratoire sur la décision de fermeture du site de Belfort, soit immédiatement instauré.
 Qu’une table ronde multi‐partite soit mise en place afin d’élaborer des propositions alternatives immédiates, ainsi sur le transport ferroviaire du futur et de suivre le respect des engagements pris.
 Qu’afin de pérenniser la production à Belfort entre 2018 et la sortie des exemplaires de série du TGV du futur, l’État impose à la SNCF la renégociation du marché de 44 locomotives de la filiale franco‐allemande de la SNCF, Akiem, pour qu’au moins la moitié de la commande aille à Alstom et qu’il fasse pression sur Alstom afin de produire à Belfort une partie des 1600 locomotives du contrat passé avec l’Inde.
 Que les compétences permettant la production de locomotives et de motrices de TVG sur le site de Belfort soient préservées et développées par des embauches de jeunes afin de permettre la transmission  des  savoir‐faire.  Des  investissements  productifs  novateurs  doivent  être  mis  en place sur le site ainsi qu’une augmentation des dépenses de R&D.
 La  constitution  d’un  pôle  public  de  l’industrie  ferroviaire  formé  d’Alstom  –  dont  la nationalisation  s’impose  en  tant  qu’entreprise  stratégique,  y  compris  via  une  prise  de participation de la SNCF et de la RATP –, de Bombardier France et de Siemens‐France qui aurait vocation  a  participer  à  la  construction  d’un  « Airbus »  du  matériel  roulant  européen  avec,  entre autres, l’allemand Siemens et l’espagnol DAF, en particulier en mutualisant les investissements en R&D mais en développant tous les sites de production.  Un grand plan de développement des infrastructures ferroviaires doit être élaboré et s’articuler avec un plan européen que la Banque centrale européenne doit contribuer à financer pour tous les  pays  de  l’Union  européenne,  avec  une  partie  des  80  milliards  d’euros  qu’elle  crée  chaque mois.

 Les  banques publiques et l’État actionnaire  doivent financer  les contre  propositions  (dépenses de R&D, investissements matériels) avec un crédit à taux proche de zéro pour les banques et des dividendes très faibles pour l’État et les autres actionnaires. Un allègement des frais financiers du système ferroviaire doit être engagé par une renégociation de la dette bancaire.
 Que  l’on  redonne à la  SNCF les  moyens,  par  des  prêts  bonifiés,  d’investir pour  renouveler son parc de motrices TVG, dont une partie a plus de 30 ans d’âge, ce qui représenterait l’acquisition de 200 unités et d’acquérir des locomotives pour des matériels intermédiaires entre TER et TVG, c’est‐à‐dire dans le créneau des automotrices roulant entre 160 et 250 km/h, dont le besoin peut être estimé à un marché d’au moins 800 machines.
 Que  l’ensemble  des  marchés  publics  noués  par  la  SNCF  et  les  Régions  soit  passé  selon  le principe  du  «  mieux  disant  »  et  non  du  «  moins  disant  »,  avec  prédominances  des  critères  de proximité,  d’écologie,  de  durabilité  et  de  démantèlement  des  matériels  en  fin  de  vie  sur  le territoire national.
 La  mise  en  œuvre  d’un  plan  d’électrification  du  réseau  de  fret  français  afin  d’atteindre  le  taux d’électrification  allemand  de  97%  (aujourd’hui  le  réseau  français  de  fret  est  électrifié  à  57%), avec  les  commandes  de  motrices  électriques  adéquates.  Ce  plan  devant  être  financé  par  le rétablissement  de  l’éco‐taxe,  par  des  fonds  européens  et  par  des  prêts  bonifiés  de  la  Banque européenne de développement.
 De se battre au niveau européen pour que l’Union instaure un « Buy european act » équivalent au « Buy american act ». Ainsi, en Europe, 75% des marchés ferroviaires publics sont totalement ouverts  sans  clause  de  production  locale  alors  que  le  marché  japonais  est  ouvert  à  seulement 25% et le chinois à 0%.
 Que la France lance un processus de renégociation des paquets ferroviaires européens avec, en lieu  et  place  de  la  concurrence  de  tous  contre  tous,  un  objectif  de  coopération  et  de mutualisation des différentes compagnies de chemin de fer. Ce qui impliquerait de revenir sur la séparation  entre  infrastructures  de  réseau,  activités  de  transport,  activités  commerciales, d’imposer des cahiers des charges liés à l’aménagement des territoires et d’assurer une osmose entre industrie et services, y compris par des participations croisées.
Autour de l’existence du site du Belfort et de ses emplois se joue l’avenir ferroviaire de notre pays et de l’Europe  et  donc  de  notre  capacité  à  répondre  aux  défis  des  transitions  écologiques  et  urbaines  qui travaillent  nos  sociétés.  Le  PCF  considère  à  ce  titre  qu’Alstom  Belfort  et  les  compétences  de  ses salariés, les brevets qui y ont été développés, doivent être considérés comme bien commun inaliénable de notre peuple et non comme propriété des actionnaires d’Alstom.
Il s’agit renouer avec une grande ambition industrielle au service de tous.
Le  Parti  communiste  est  disponible  pour  débattre  avec  tous  des  solutions  pérennes  pour  le  site  de Belfort,  pour  l’industrie  ferroviaire  et  participera  aux  rassemblements  aux  côtés  des  salarié‐e‐s,  des syndicats  et  des  citoyen‐ne‐s  et  prendra  des  initiatives  pour  mener  et  gagner  cette  bataille  pour l’emploi, le renouveau de l’industrie ferroviaire à Belfort, comme dans tout le pays.