Le 31 mars, avait lieu la séance d’installation du conseil général de l’Essonne. marjolaine-rauzejpg.jpg A cette occasion, Marjolaine Rauze, Vice-présidente et maire de Morsang/Orge a prononcé au nom du groupe Front de Gauche, une intervention dont voici le contenu.


"Monsieur le Président, Cher-e-s collègues,


 

Au nom du groupe Front de Gauche, je veux d’abord féliciter Jérôme Guedj, qui est maintenant notre nouveau Président et souhaiter également la bienvenue à nos nouvelles et nouveaux collègues élus.


Cependant, comme vous l’avez constaté à l’appel des membres de notre Assemblée, un premier constat suscite une nouvelle fois ma colère : avec seulement 9 élues femmes, l’Essonne compte une conseillère générale de moins que dans le précédent mandat. Et malheureusement, notre département n’est pas l’exception qui confirme la règle : avec 82% d’hommes parmi les candidats titulaires, ne soyons pas surpris de n’avoir au bout du compte que moins de 14% de femmes au sein des assemblées départementales.

Le mode de scrutin uninominal à deux tours entrave la représentativité des femmes en politique. Et son application aux conseillers territoriaux prévus par la réforme territoriale de Nicolas Sarkozy ne ferait qu’aggraver les choses. Comme le dit pudiquement l’Observatoire de la Parité, « cela ne place pas la parité sur la voie d’une amélioration ». C’est le moins que l’on puisse dire ! Et c’est une raison supplémentaire de tout faire pour revenir sur cette réforme territoriale porteuse de lourdes régressions démocratiques.


Nous venons d’élire Jérôme Guedj Président du Conseil général. Nous serons à tes côtés, loyaux, travailleurs et actifs, pour continuer à construire et à conduire avec les Essonniennes et des Essonniens les politiques publiques les plus aptes à répondre à leurs attentes et à leurs besoins.

Je formule le vœu que ce travail se poursuive au-delà de 2014, que la réforme territoriale imposée par le chef de l’Etat, y compris aux élus de sa propre majorité, soit purement et simplement abandonnée, tant elle est dangereuse pour notre démocratie.

Outre ses conséquences néfastes pour la parité femmes/hommes dont je viens de parler, cette réforme éloigne les élus des territoires et des citoyens et pousse au regroupement autoritaire des communes et des intercommunalités. Conjuguée à la suppression de la taxe professionnelle, à la baisse des dotations d’Etat et aux conséquences de la RGPP, cette réforme concourre lourdement à la réduction des services publics locaux. Elle constitue un brutal retour en arrière sur les acquis de la décentralisation et prive notre démocratie d’une partie de sa substance.

J’ai noté avec satisfaction que toutes les forces de gauche ont condamné cette réforme et pris l’engagement de continuer à la combattre et de l’abroger en cas de victoire souhaitée l’an prochain. J’espère donc que chacun agira en conséquence, en sachant résister aux tentations de concurrences, voire de querelles de territoires, et aux appétits de « baronnies », sujets aussi éloignés que possible des exigences et des attentes des citoyens à notre égard.

Pour ma part, il me semble qu’un des meilleurs garde-fous qui soit à ces « tentations » réside dans la volonté permanente de faire vivre les contenus et finalités des politiques publiques départementales et de revivifier notre démocratie représentative par la participation directe et multiforme des habitants à toutes les décisions qui les concernent.


Après 13 ans passés à la tête de notre collectivité, notre Président et ami Michel Berson a décidé de passer le relais. Je tiens à rendre hommage, au nom du groupe Front de Gauche, à l’homme et au travail collectif accompli avec lui. C’est avec Michel que nous avons tourné de la meilleure manière qui soit la page de l’ère Dugoin, de ses pratiques et de ses méthodes qui ont sali l’Essonne et la démocratie, et que nous avons remis notre Département sur de bons rails, comme l’a rappelé à l’instant Jérôme Guedj.

Je veux souligner que Michel Berson a su considérer le pluralisme de notre Assemblée, celui de sa majorité, comme une richesse. Il a su se montrer respectueux des différents points de vue, des propositions, et même des critiques, lorsqu’elles sont portées de manière constructive, exigeante et loyale. Et à l’écoute des propos que notre nouveau Président vient de prononcer, nous sommes convaincus qu’il continuera à en être de même.

C’est ce que nous nous attacherons à faire vivre toujours mieux au sein de notre Assemblée comme dans la majorité et l’exécutif.

Cette démarche et cette ambition sont d’autant plus indispensables que nous vivons une crise profonde.

Une crise économique bien sûr, dont les dégâts humains, sociaux et environnementaux sont loin d’être pleinement mesurés. Mais une crise dont les leçons n’ont nullement été tirées par ceux qui nous gouvernent. Combien de chefs d’Etat et de gouvernement, dont les nôtres, ont juré la main sur le cœur qu’ils allaient recadrer le système financier devenu fou, qu’ils allaient « moraliser » tout cela ? On allait voir ce qu’on allait voir… mais on les attend toujours.

Après avoir mobilisé des milliers de milliards pour sauver le système bancaire et financier victime de sa propre voracité, les gouvernants ont continué à leur laisser les mains parfaitement libres pour poursuivre leur folie spéculative, aujourd’hui sur l’énergie, sur les matières alimentaires, et contre les Etats, ceux-là mêmes qui les ont renfloués !

Car de l’argent, il y en a : 21 milliards d’€ de profits en 2010 pour les 5 plus grandes banques françaises ! 39 milliards pour les actionnaires du CAC 40 ! Les 326 milliards d’€, 1/3 de la richesse créée par les salariés, versés en intérêts et dividendes, voilà qui serait bien utile à l’Etat et aux collectivités pour répondre efficacement aux besoins sociaux et environnementaux et lutter contre les injustices.

C’est contre cette folie de l’argent pour l’argent que les peuples cherchent à se rebeller. En Grèce, au Portugal, en Irlande ou encore en Grande-Bretagne le week-end dernier, avec la plus grande manifestation depuis 10 ans dans ce pays, pour s’opposer aux mesures antisociales et de démantèlement des services publics. C’est le même élan qui a mobilisé des millions de manifestants en France l’automne dernier contre la réforme de casse des retraites. C’est la même exigence qui résonnera samedi Place de la Bastille contre la casse de l’hôpital public.

Et c’est pour se prémunir des exigences des peuples que ces beaux messieurs, si épris de liberté, quand et uniquement quand il s’agit de la liberté de circulation des capitaux, ont concocté le « pacte de compétitivité ».

Un véritable pacte d’austérité et de régression, pire encore que le traité de Lisbonne, concocté sans consulter ni le Parlement européen, ni les parlements nationaux, et qui s’imposerait aux Etats, indépendamment des choix des peuples, des citoyens, des électeurs, privés ainsi de toute alternative à l’austérité !

Comment s’étonner alors de la profonde, très profonde crise politique et démocratique que connaît notre pays, comme bien d’autres en Europe et au-delà ?

Comment s’étonner qu’élection après élection, l’abstention batte des records et que le vote d’extrême droite se banalise et s’enracine, au point de voir des formations ouvertement extrémistes et xénophobes participer à différents gouvernements en Europe ? Comme il semble loin le temps où l’Autriche était mise en quarantaine suite à l’intégration du parti de Jorg Haider dans son gouvernement…

Pour ce qui est de notre pays – et les élections cantonales en attestent – il existe une responsabilité incontestable de l’UMP et de Nicolas Sarkozy. Avoir tant promis aux salariés pour tant donner aux privilégiés ne pouvait que semer colère et amertume. Mais penser faire diversion par une fuite en avant sécuritaire et xénophobe permanente ne pouvait que réhabiliter l’extrême droite, en crédibilisant son discours de division, d’exclusion et de haine.

Si la responsabilité du pouvoir actuel est écrasante, n’oublions pas pour autant les déceptions que la gauche a elle aussi généré, à plusieurs reprises. Quand elle a été en responsabilité, en n’ayant pas le courage de s’attaquer aux puissances d’argent, voire pire, en abdiquant par la soumission aux différents traités européens.

Nous les avons rencontrés pendant cette campagne et au-delà ces citoyens qui considèrent majoritairement que « les responsables politiques se préoccupent peu ou pas du tout de ce que pensent les gens ». Ne prenons pas à la légère que la politique suscite de la « méfiance » chez 39% d’entre eux et même du « dégoût » chez 23%. Ne prenons pas à la légère que 56% des Français disent ne plus avoir confiance « ni dans la gauche ni dans la droite ».

Le divorce est profond, il s’est élargi et touche aujourd’hui d’une manière nouvelle les élus locaux. Comme l’analyse le CEVIPOF, « les élus locaux sont appréciés par les citoyens comme des filets de protection contre la politique nationale. S’ils ne parviennent pas à jouer ce rôle, ils perdent eux aussi du crédit vis-à-vis de l’opinion ».

C’est pourquoi notre département ne peut pas seulement être un bouclier social condamné à se fissurer sous les coups de boutoir d’un Etat soumis aux exigences du marché. Il doit être également un levier pour porter le débat, faire bouger les rapports de force, aider à l’intervention citoyenne, redonner du sens aux politiques publiques qui ne se réduisent pas à de la gestion de dossiers, de dispositifs, mais dont nous avons la responsabilité de faire vivre les finalités.

Face à la désespérance sociale grandissante, face au sentiment que la démocratie serait devenue une machine qui tourne à vide, un jeu stérile dont il n’y aurait plus d’intérêt à se mêler, il nous faut redonner sens à la politique, à la chose commune, à l’intérêt commun pour les affaires de la cité.

Car attention, un boulevard existe pour les idées d’ordre, surtout parées comme elles le sont maintenant d’un nouveau vernis social, et porté par un visage plus avenant qu’hier.

Ces graves questions sont posées à tous les démocrates, et évidemment à toutes les forces de gauche. Il y a urgence à les prendre à bras-le-corps, notamment là où nous sommes en responsabilité.

Face à ces défis, l’émergence et la consolidation du Front de Gauche depuis trois ans, lutte après lutte, élection après élection, constituent à mon sens un point d’appui pour notre peuple et pour toute la gauche.

En Essonne, malgré une progression sensible des candidates et des candidats du Front de Gauche, réalisant 11,5%, deux des membres de notre groupe et de notre majorité n’ont pas été réélus. Je tiens à rendre hommage au travail inlassable qu’ont mené pour les habitants de leur canton et pour les Essonniennes et Essonniens Marie-Pierre Oprandi et Patrice Finel, dont les voix vont manquer dans cette assemblée.

La nouvelle progression du Front de Gauche pour la 3ème fois depuis les élections européennes et régionales, à 10% au plan national et plus de 220 élu-e-s dans tout le pays, le confirme bien comme la 2ème force politique à gauche. Une force pour construire du neuf à gauche, avec toutes celles et tous ceux qui veulent sortir notre pays de l’ornière. Un point d’appui pour construire un nouveau front populaire et citoyen.

C’est dans cet état d’esprit, constructif, exigeant, loyal et enthousiaste, que le groupe Front de Gauche entend contribuer au travail de notre assemblée, de notre majorité et de notre exécutif, aux côtés de Jérôme Guedj, notre nouveau Président.

Oui, il faut retrouver un espoir, un espoir pour le progrès, pour la démocratie, pour la solidarité et la fraternité."