Un mois après son élection, le Premier ministre espagnol Javier Rajoy prononçait lundi son discours dinvestiture à la chambre des députés pour les fonctions de chef de gouvernement quil a prises mercredi annonçant en même temps les noms des membres de son gouvernement. Pas de surprise. Au programme : politique dajustement par des réformes structurelles en matière de services publics et de droit du travail pour annihiler tout ce qui restait dÉtat social en Espagne.
Peu avant les élections Rajoy écrivait sur le site du PP : « Nous serons un gouvernement sérieux qui sacquittera de ses obligations envers lUE ».
Lors dune conférence de presse de la Commission européenne juste après la victoire du PP, en compagnie de Barroso, le vice-président Olli Rehn expliquait aux journalistes : « LEspagne a déjà pris des décisions très significatives pour la consolidation fiscale, particulièrement cette dernière année. Il y a maintenant une claire nécessité davancer dans des réformes structurelles, surtout en ce qui concerne le marché du travail ». Cest tout à fait ce qua annoncé Rajoy lors de son discours dinvestiture : nouvelle casse des services publics et réforme du travail dans la droite ligne de son prédécesseur Zapatero.
Le gouvernement Zapatero a ouvert la voie
Le programme du PP suit les traces de la politique de son prédécesseur Zapatero qui en mai 2010 avait déjà fait voter un premier plan daustérité de 50 milliards deuros (gel des retraites, baisse de 5% puis gel du salaire des fonctionnaires, baisse des aides sociales, coupes dans la santé et léducation en vu de réduire le déficit public, baisse drastique des investissements publics, réforme des retraites qui provoqueront une grève générale en septembre 2010). A cette époque-là le PSOE fait le choix de laustérité appelée rigueur et des politiques dictées par la Troïka. Cette politique sera couronnée par le vote en septembre de le « Règle dor » (inscrivant dans la Constitution le principe du respect des 3% de déficit budgétaire) votée aussi par le PP provoquant une deuxième grève générale en septembre 2011, cycle qui se clôt par la déroute du PSOE aux élections de novembre perdant plus de 4,5 millions de voix. Rajoy légitimé par son élection décide donc daccélérer et dapprofondir les contre-réformes. Lors du dernier sommet européen alors quil nest pas encore investi il donne par lintermédiaire de Zapatero quil a rencontré les garanties que lUE attend.
La destruction des services publics
Lors de son discours dinvestiture il annonce que son gouvernement coupera à hauteur de 16 milliards deuros dans les Administrations publiques Il y aura 0 % de renouvellement du nombre de fonctionnaires. La loi de stabilité budgétaire viendra compléter en janvier prochain la « règle dor » et ira plus loin en prévoyant pour 2020, un déficit de 0,4% du PIB en matière de déficit structurel et de 60% du PIB pour la dette publique. Pas dannonce dune nouvelle fiscalité pour renflouer les caisses ni de remise en question de la dette mais simplement un travail de coupes austères dans toute la fonction publique et tous les services publics. Moins dEtat encore et toujours.
La flexibilité dans le travail
Rajoy annonce en plus une nouvelle loi pour mettre en place des réformes structurelles pour le marché de lemploi comme le préconisait la Commission européenne. Place à la flexibilité, ce que tous les tenants du patronat souhaitent depuis des années. Flexibilité qui est accompagnée de « sa novlangue » de « formation tout au long de la vie ». Le gouvernement Zapatero avait déjà commencé le travail en septembre 2010 en créant un nouveau CDI avec des indemnités de licenciement réduites dun tiers. Rajoy annonce en plus un nouveau type de négociation collective, branche par branche, pour mieux anéantir le droit du travail espagnol. Le tout pour, comme il le dit, « articuler droit au travail et compétitivité ». Pour les travailleurs, ce sont des droits en moins et une précarité accrue. Sous le joli terme sournois de « flexi-sécurité », cest linsécurité au quotidien.
Rajoy pourra sappuyer sur les gouvernements des Communautés Autonomes (récemment gagnées par le PP aux élections régionales de mai denier et sur celles gouvernées par le PSOE) pour articuler sa politique au niveau régional. Un exemple, celui de María Dolores de Cospedal, présidente de Castille-La-Manche
María Dolores de Cospedal : bras armé du PP et haine de lEtat social
Lors de son discours, Rajoy expliquent que les communautés autonomes offriront « un éventail de bonne gestion des comptes publics » et que sera signé un « pacte pour laustérité et lefficacité » entre le gouvernement central et les régions en renforçant le « contrôle de la gestion publique » Celle gouvernée par Maria Dolores de Copsedal, numéro deux du PP, élue en mai dernier, est à lavant-garde en matière de destruction de lEtat Social. Déjà à peine élue, sa présidente formée sous la droite dAznar, annonce en août un premier plan daustérité de 1815 millions déconomies soit 20% du budget de la région. Peu après lélection, le 2 décembre elle annonçait un deuxième plan daustérité pour réaliser 350 millions deuros soit en tout 2 165 millions deuros déconomies (59, 7 % des plans concernent la santé et léducation, deux domaines qui appartiennent aux compétences des autonomies, pour la santé 834 millions et pour léducation 460 millions) Elle annonçait aussi de nouvelles mesures comme la baisse de 3% du salaire brut des fonctionnaires, laugmentation de la durée de la journée de travail des salariés de ladministration. A la mi-décembre, on apprend que 85 centres daides pour les femmes battues et 13 maisons des femmes fermeront au 1er janvier, faute de financement. Un exemple parmi tant dautres des conséquences meurtrières de leur politique. Destruction des aides sociales, moins de services publics, place au privé ! On pourrait aussi parler de sa voisine Esperanza Aguirre dans la Communauté de Madrid, qui depuis quatre mois connaît des grèves dans lenseignement primaire et secondaire.
Les beaux jours de la privatisation
Ces régions gouvernées par le PP sont à la pointe des partenariats publics/privés dans la santé en délégant au privé des pans entier de la santé. Les communautés Autonomes prévoient lentrée de capital privé pour la construction de nouveaux hôpitaux. Madrid compte déjà des hôpitaux appelés « publics » totalement gérés par des capitaux.
Rajoy prévoit aussi de fournir aux usagers une liste des « services publics essentiels garantis ». Sous couvert dêtre attaché à la notion « dEtat de Bien-être » («el Estado de bienestar ») le gouvernement Rajoy réduit à peau de chagrin les services aux personnes en les encourageant à avoir recours à des assurances et des complémentaires privées. Déjà des milliers despagnols se voient privés de leur droit à la santé en voyant leur carte de santé désactivée pour cause de chômage. Les gouvernements des régions PSOE/PP se renvoient la balle mais ces situations se multiplient.
Dans léducation, on procède à des coupes dans les budgets de lécole publique tandis que celui du privé se porte bien et on favorise la « Escuela concertada », lécole financée par des fonds publics et privés.
Le gouvernement annonce la privatisation des chaînes de télés publiques, la libéralisation du marché de lénergie, la marchandisation de luniversité par le plan de Bologne et Le plan Stratégie Université 2015 qui prévoit la mise en concurrence des Universités et lentrée de capitaux privés. .
Cest bien simple, tout ce qui pourra être encore privatisé le sera.
Un gouvernement de la rigueur
Que dire du gouverment Rajoy ? Aucune surprise : on y retrouve des anciens ministres de Aznar comme Miguel Arias Cañete, député européen, ministre de lagriculture de 2000 à 2004, il est reconduit à ce poste ; et surtout, après Mario Monti en Italie qui venait de Goldman Sachs, nous voilà en Espagne avec lancien dirigeant de Lehman Brothers en Espagne et au Portugal Luis de Guindos. Ceux qui on précipité les sociétés dans la crise se retrouvent aux manettes du pouvoir ! Quant aux banques, elles ont peu à craindre, Rajoy a parlé « dassainissement du système financier »sans donner plus de détails hormis lannonce de fusions de banques. Rien pour arrêter la spéculation sur la dette, rien sur un pôle public bancaire. Dailleurs trois jours après son élection, Rajoy a rencontré les banquiers avec lesquels le PP a depuis longtemps maintenu une étroite relation comme Rodrigo Rato de Bankia et ex-ministre de Aznar, pour nen citer quun, avant même de rencontrer qui que ce soit.
Le gouvernement Rajoy ne promet quune chose : faire payer la crise au peuple, détruire tout Etat social en le réduisant à ses fonctions régaliennes de maintien de lordre. Quelle société est promise aux espagnols ? La même que celle de la Grèce, faite de désespérance ?
Les « solutions » proposées par Rajoy et Zapatero ont fait la preuve de leur inefficacité pour sortir de la crise et elles ont prouvé leurs conséquences désastreuses pour les peuples à qui lon ne promet que misère et souffrance comme ce fut le cas en Argentine. Et pourtant des solutions existent mais encore faut-il en avoir le courage de les formuler, le courage de « renverser la table » et de changer la donne : audit sur la dette, salaire maximum Nous connaissons les solutions. Pour preuve de lincompétence de Rajoy il propose comme « mesure phare » pour lemploi dun pays qui compte 5 millions de chômeurs dont 45 % de moins de 25 ans, dexonérer de cotisations sociales les entreprises qui embauchent pour un an un jeune de moins de 30 ans. Cela a-t-il un sens ? Cela est-il sérieux ? Cela est-il efficace pour lemploi de réduire les recettes de lEtat et de la Sécurité sociale ? Nest-ce pas créer plus de déficit ? Daugmenter la dette ? de poursuivre ce cercle infernal dans lequel est plongé les pays de lUnion Européenne qui abandonnent leur souveraineté aux mains de la finance.