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L'amour est une force immense. Une force qui donna à ces femmes et à ces hommes la dignité dont seuls sont capables les femmes et les hommes libres. Cette Marseillaise qui retentit des baraquements à l'heure du départ des camarades. Ce cri, Vive le Parti communiste allemand, prononcé par le métallurgiste Timbaud à l'heure des fusils. Ces gendarmes qui saluent les martyrs à leur passage. L'histoire s'est écrite ici. Une page d'horreur, et pourtant grâce à vous les 27, une si puissante promesse d'humanité.

 

C'est au nom de cette promesse que nous sommes là depuis toujours, d'autres avant nous, d'autres encore, demain, après nous. Nous n'honorons pas Guy Môquet et ses camarades le temps d'un calcul électoral avant de les oublier pour mieux massacrer tout ce que leur combat a permis.

 

Alors oui, aujourd'hui, ne retenez ni les balles, ni la haine, ni cet officier allemand qui à coups de barre de fer cassa ce corps trop grand pour entrer dans son cercueil. Un instant oubliez tout cela car ce qui est exceptionnel, c'est que ces hommes furent à cette heure, leur heure, malgré l'horreur, pleinement des êtres humains.

 

Parler avec les 27, c'est parler d'espoir. Tous les actes, du dernier repas, du tabac fumé, des sourires, des discussions poursuivies jusqu'au dernier moment, leur amitié, leurs larmes, leurs lettres, tout cela témoigne que dans ces ténèbres du 22 octobre 1941 ce qui unit ces hommes, la révolution, le communisme, donne à chacun d'entre eux une force immense de dignité et de courage.

 

Dans l'épreuve, ces hommes sont liés les uns aux autres. Comme sur la barricade devant l'usine à l'heure où les gardes se préparent à charger, nul ne bouge. Comme ces Parisiens lors de la Commune, nul ne recule. Dans l'épreuve, ces hommes vont mourir et pourtant ils sont vivants jusqu'à la dernière seconde. Ces révolutionnaires meurent debout car ils savent ce que vivre veut dire.

 

Aucun d'entre eux n'avait choisi les armes, ni la guerre. Ils étaient entrés dans le combat pour en débarrasser le monde. La justice et la fraternité de tous les humains voilà ce qu'ils voulaient, tout simplement. La barbarie, ils l'ont rencontrée sur leur chemin, et ils se sont levés.

 

Comme l'écrit le poète et résistant Robert Antelme en rentrant des camps : « Le ressort de notre lutte n'aura été que la revendication forcenée de rester jusqu'au bout des hommes. La mise en question de la qualité d'homme provoque une revendication presque biologique d'appartenance à l'espèce humaine. »

 

Oui, nous sommes ici à Châteaubriant pour parler d'hommes qui ne voulaient renoncer ni à leur humanité, ni à l'humanité du monde, quand d'autres avaient peu à peu fait le choix, pour sauver les privilèges de l'argent, de la capitulation devant la barbarie, puis de la collaboration avec elle.

 

Soixante-dix ans plus tard, nous sommes à nouveau au défi, l'histoire continue de crier dans le présent. La sauvagerie n'a toujours pas quitté les sociétés.

 

Car il y a bien de la sauvagerie lorsque le simple jeu d'écriture informatique, la spéculation sur les matières premières agricoles placent deux cents millions de personnes supplémentaires en situation de malnutrition.

 

Il y a de la sauvagerie lorsque l'Europe décide l'introduction de 10% d'agrocarburants dans notre essence et que cela conduit au pillage en Afrique des meilleures terres arables, et que chaque responsable le sait, et que chaque responsable le tait en attendant une nouvelle apocalypse alimentaire.

 

Et comment faut-il appeler le fait que des émeutiers anglais prennent plusieurs mois de prison pour destruction de biens publics alors que les responsables d'une crise qui a licencié à travers le monde plusieurs dizaines de millions de travailleuses et travailleurs jouent, eux, au golf sans que personne n'y trouve rien à redire.

 

Et comment comprendre qu'à l'heure où les bottes résonnent en Hongrie, où l'extrême droite et Marine le Pen se repaissent de la crise et de la souffrance des peuples comme des chacals se nourrissent d'une bête blessée, comment comprendre qu'à nouveau, les puissants fassent le choix de la défaite ? Ici, à la carrière, je dénonce la trahison des peuples car accepter la domination des marchés et des banques, c'est trahir les démocraties. Ici, à la carrière, je dénonce la complaisance avec laquelle le pouvoir français utilise des parlementaires issus de ses rangs pour favoriser de fait le rapprochement avec le Front national et de futures alliances. Ici, à la carrière, je dénonce le martyr du peuple grec, la douleur du peuple espagnol, le crime du système économique contre la jeunesse européenne.

 

Et il n'est pas exagéré d'appeler à la résistance car après tout face aux nouveaux dangers qui menacent il faut bien qu'en face il y ait des résistants. Alors, oui, soixante-dix ans après, tout démocrate, tout républicain, toute femme ou homme de gauche, doit considérer ses responsabilités. Le capitalisme financier nous somme d'accepter son pouvoir, son diktat, ses volontés. Allons-nous plier ? Allons-nous résister ? Allons-nous laisser détruire ce que le Conseil national de la résistance a bâti ? Allons-nous, jusqu'au bout, liquider le service public, liquider la Sécurité sociale, liquider les garanties collectives des travailleurs ? Ou accepterons-nous de reconstruire une démocratie authentique qui repousse ces nouvelles féodalités bancaires et financières qui se comportent avec les peuples comme des maîtres, de constituer un gouvernement de combat contre les marchés, d'ouvrir un nouvel avenir social, écologique, culturel, démocratique. C'est pour nous être fidèles ici à ceux qui périrent dans la carrière.

 

La crise actuelle est économique, elle est aussi morale. Notre seule valeur est devenue notre profitabilité. C'est le seul message, le seul crédo, notre chance de survie. Ces dernières décennies, le capitalisme a entrepris de convaincre les nations que le but de la société, le but de la politique, le but de l'Etat est d'asservir, est de transformer en marchandise, jusqu'à la dernière libertés des êtres humains. Nous, nous ne reconnaissons qu'une seule loi, celle des Lumières : les femmes et les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Nous nous reconnaissons dans la longue évolution qui a transformé l'animal humain en être de coopération, de fraternité, de tendresse. Pour nous, la grandeur des sociétés vient de leur capacité à faire reculer sans cesse la guerre de tous contre tous, pour coopérer tous avec tous, pour créer ensemble.

 

La marseillaise de ce 22 octobre résonne encore. Elle s'éleva au nom de la classe ouvrière, elle s'éleva au nom de la France. Elle s'éleve de la part de femmes et d'hommes dont la joie de vivre, dont l'amour, dont la dignité disaient un monde à venir, un monde à naître.

 

***

 

Ici, aujourd'hui, je pense aux Américains qui campent devant Wall Street, je pense aux jeunes espagnols, aux jeunes grecs, aux jeunes palestiniens, aux jeunes israéliens, je pense à notre combat de chaque jour, et je ressens comme qu'à nouveau, les vents du changement, certes épars, certes divers, mais bien réels, se lèvent, que femmes et hommes se lèvent, pensent, rêvent, imaginent, luttent et espèrent.

 

Il faut créer le mouvement par lequel ce kaléidoscope de forces critiques, populaires, syndicales, citoyennes, politiques trouveront la force d'être ensemble, solidaires, unies pour rouvrir le chemin du progrès.

 

Notre responsabilité, à toutes et tous, est d'accepter qu'au-delà de nos différences, notre dialogue permette de forger des idées communes, une communauté d'action.

 

Nous devons nous unir, nous devons donner toute notre énergie à notre union, en pensant sans cesse qu'à ne pas assumer nos responsabilités devant notre peuple, nous nous déshonorerions.

 

Ceux qui dans la Résistance se levèrent n'ont pas oublié ce qu'ils pensaient, ce qu'ils étaient – communistes, chrétiens, conservateurs ou socialistes, radicaux – ils ne cessèrent pas d'être ce qu'ils étaient et ils étaient ensemble.

 

Dans la résistance à l'oppression présente, le temps est venu d'une main tendue à toutes celles et ceux qui veulent briser les nouvelles dictatures de l'argent, les nouvelles oppressions de l'esprit.

 

Ces mots sont un appel aux citoyens de ce pays : une force d'espoir doit grandir car lorsque la civilisation est menacée par la crise sociale et écologique, nous n'avons plus le droit de rester seuls, nous avons le devoir d'être ensemble. Ces mots est un appel aux travailleurs, aux travailleuses de ce pays : vous n'êtes pas responsables de la crise, ce n'est pas à vous de la payer. Vous seuls pouvez redresser ce pays. N'écoutez pas ceux qui cherchent à vous diviser, à vous opposer, ceux qui prêchent la haine. La solidarité est et restera la plus belle valeur du monde ouvrier. Celle sans laquelle il ne sera jamais possible de rendre au travail sa liberté et sa capacité créatrice au service des besoins humains. Ici, en pensant aux 27, nous faisons le serment que ceux qui chercheront à vous faire payer la crise, parce que nous croyons à l'avenir de la France, nous trouveront sur leur chemin.

 

Amis et camarades,

 

nous sommes là pour la mémoire de nos frères, pour Jules, Henri, Titus, Maximilien, Marc, Emile, Charles, Maurice, Jean, Désiré, Pierre, An, Eugène, Raymond, Claude, Edmond, Julien, Charles,Guy, Antoine, Jean, Henri, Victor, Raymond, Maurice, Pierre et Jules.

 

Nous sommes là pour ces syndicalistes, ces communistes, ces âmes magnifiques.

 

Nous sommes rassemblés car nous savons que nous ne commémorons pas un acte de guerre mais des idées de paix que c'est notre honneur de poursuivre votre combat.

 

Chers camarades disparus, ici devant vous, les yeux deviennent humides. Demain, ils auront séché. Pas nos cœurs. Nous le promettons.

 

Vive le Parti communiste français !

 

Vive la République !

 

Vive la France !