Monsieur URVOAS, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux

Monsieur le Ministre,

J'ai été informée de la convocation pour un rappel à la loi d'un militant de l'Association France Palestine Solidarité d'Auxerre, pour sa participation à une action collective visant à informer les consommateurs sur l'origine des produits en provenance des colonies israéliennes.

Une convocation qui arrive après les arrêts de la Cour de cassation du 20 octobre 2015 confirmant la condamnation de citoyens pour avoir appelé à boycotter ces produits.

J'étais intervenue auprès de votre ministère pour demander l'abrogation de la circulaire Alliot-Marie du 12 février 2010 et de la circulaire Mercier du 15 mai 2012, assimilant ce type d'actions à de la provocation à la discrimination ou à la haine raciale, pour lesquelles les auteurs encourent jusqu'à un an d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.

Je déplore que ces circulaires soient toujours en usage considérant que tout au contraire, ces hommes et ces femmes combattent pour l'application à tous les états du droit international et pour une paix juste et durable au Proche-Orient.

Leur action est citoyenne, politique et non violente. Elle s'appuie sur le fait que l'implantation des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens est illégale au regard de la résolution de l'ONU, et condamnée par la France. L'exportation et l'importation en France de produits issus de ces territoires constituent une atteinte au droit international. En aucun cas l'action des militants pour en faire prendre conscience, ne relève d'antisémitisme, et elle ne peut constituer un délit.

Par ces circulaires, la France est aujourd'hui un des rares pays du monde et sans doute la seule démocratie, où l'appel au boycott par un mouvement associatif ou citoyen pour critiquer la politique d'un état - comme l'Afrique du Sud du temps de l'apartheid ou la Birmanie du temps de la junte - devient illégal.

Je ne peux me résoudre à voir ainsi restreindre le droit des citoyennes et des citoyens de notre pays à s'exprimer librement sur des sujets politiques. Il en va de notre démocratie et de la liberté d'expression pour lesquelles nous étions des centaines de milliers à défiler en cette triste année.

L'abrogation immédiate des circulaires Alliot-Marie et Mercier serait une mesure de justice et un signal clair et attendu en faveur des droits de l'homme et du droit international dont votre Ministère et le gouvernement s'honoreraient.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de ma considération.

Billet original sur Senat Groupe CRC