nous reproduisons ci-dessous le compte-rendu qu'en fait le site le café pédagogique.

Décrochage : Une étude évalue le poids du travail lycéen

Plus les élèves travaillent en dehors du lycée, plus ils ont de chance de redoubler et décrocher. C'est ce que met en évidence une étude présentée par Boris Teruel (BSA) le 1er juillet devant l'Observatoire de la mixité sociale et de la réussite scolaire de la région Ile de France. L'étude met en évidence les inégalités sociales face au travail lycéen qui est beaucoup plus intense pour les jeunes issus des familles populaires. Cette étude appuie la prochaine signature d'une convention entre la région, l'Etat, les académies et les missions locales pour la lutte contre le décrochage.

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Sous la houlette d'Henriette Zoughebi, vice présidente en charge des lycées, la région Ile-de-France a fait de la lutte contre le décrochage une grande cause régionale avant d'adopter en 2013 un plan régional de lutte contre le décrochage qui prévoit l'expérimentation de protocoles de sécurisation des parcours. Le 1er juillet, H Zoughébi réunit l'Observatoire de la mixité sociale et de la réussite scolaire pour préparer une nouvelle étape qui sera marquée par la signature le 11 juillet d'une convention entre la région, l'Etat, les académies et les missions locales généralisant à l'échelle de la région ces parcours.

L'originalité de l'Observatoire c'est qu'il entend aussi bien les acteurs que les chercheurs. Le 1er juillet, l'Observatoire entend des jeunes "décrochés" mais aussi la rectrice de Créteil,  Pierre Léna de La main à la pâte et des chercheurs comme Boris Teruel.

Un lycéen sur trois travaille

L'étude réalisée par BSA a touché 11 lycées franciliens et a associé un questionnaire en ligne destiné aux lycéens (3 500 réponses) et des entretiens individuels avec des lycéens et des enseignants.

Le premier enseignement c'est que près d'un lycéen sur trois a une activité rémunérée. Pour 9% c'est seulement durant les vacances. Mais pour 9% également c'est durant l'année scolaire et durant les vacances. Pour les lycéens âgés de 18 ans et plus c'est la moitié d'entre eux qui travaillent quand cela ne concerne que 16% des jeunes de 15 ans.

Il n'y a pas de différence entre les milieux sociaux et l'accès au travail : 72% des enfants de familles favorisées ne travaillent pas, 71% des enfants de familles défavorisées. Tous les milieux ont intégré la valeur travail. Ce qui change entre les milieux sociaux c'est l'intensité du travail. Seulement un tiers des lycéens issus de familles favorisées qui travaillent le font avec une intensité forte. C'est le cas de 63% des lycéens issus de familles défavorisées. Si le travail lycéen est vu positivement , c'est dans une certaine limite et après le travail scolaire dans les familles favorisées. C'est sans limites dans les familles défavorisée.

Une expérience vécue positivement

Il faut entendre ce que les lycéens disent de cette expérience.  Tous le perçoivent comme une expérience positive et valorisée. Ils ne le contestent pas . Boris Teruel montre qu'ils ont intégré un discours dépolitisé à connotation libérale sur le travail lycéen, à la différence d'ailleurs de leurs professeurs. Le travail est perçu comme une prérogative individuelle et une chance.

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Pour autant l'activité rémunérée peut aussi être perçue comme une contrainte. C'est là où se situe la différence entre les familles. Les lycéens favorisés mettent en avant le caractère d'enrichissement du travail lycéen quand les lycéens des familles populaires sont deux fois plus nombreux à parler de contrainte. "Les formes d'expérience du travail sont socialement marquées" , note B. Teruel.

Inégalités sociales et décrochage

Du coup l'expérience scolaire du travail lycéen ne va être la même. Parmi les lycéens qui travaillent, les lycéens des familles populaires sont 4 fois plus nombreux à dire que le travail nuit à leur assiduité en cours et beaucoup plus nombreux à signaler leur fatigue. Le travail a bien un impact sur le redoublement : Le taux de redoublement double chez les élèves qui ont un travail rémunéré.

C'est en cela que le travail lycéen peut conduire au décrochage. B Teruel évoque un processus cumulatif de fatigue, d'absentéisme, de baisse du sentiment d'appartenance au lycée qui mène au décrochage. "Plus on est âgé, plus on est issu de CSP défavorisée, de filière professionnelle, plus on a de chance d'avoir une forte activité rémunérée et des difficultés scolaires".

Le décrochage touche environ 25 000 jeunes en Ile de France soit près d'un jeune sur dix (8%).  Pour B Gille, la rectrice de Créteil, c'est la suite de "résultats encourageants" qui ont fait baisse le décrochage de 30 000 à 25 000 jeunes depuis 2012. Elle a mis en avant l'importance de la scolarisation en maternelle, de la réforme de l'orientation , des interventions dès les premiers signes de décrochage cognitif comme des éléments importants de lutte contre le décrochage. La mise en place du numéro vert national a permis de contacter 2 000 jeunes et généré 1200 rendez-vous avec les CIO.  Mais il reste toujours un pourcentage de jeunes injoignables.

Une nouvelle convention en Ile-de-France début juillet

Très engagée dans la lutte contre le décrochage que H Zoughébi présente comme un "gâchis", la région Ile de France a multiplié les projets. Plusieurs oint été présentés le 1er juillet dont un important projet de lien collège - lycée professionnel développé avec La Main à la pâte.

La convention qui sera signée le 11 juillet généralisera une expérimentation de parcours de sécurisation qui a été lancée en 2013 sur 4 territoires. Elle associera la région ,l'Etat, les académies et les missions locales. Elle mettra en relation tous ces acteurs, la région ayant la charge de les coordonner. Elle associera aussi de nombreux acteurs de terrain. Pour J Bonnisseau, chef du service des actions éducatives à la région, c'est tout un travail de partenariat qui est à construire. La convention permettra aussi d'évaluer des expérimentations très diverses.

Benjamin Moignard et Benjamin Denecheau,  de l'OUIEP,  ont montré que les variables scolaires restent déterminantes, avant les facteurs psychologiques ou familiaux, dans le décrochage. La réponse se situe dans une alliance éducative, associant parents et environnement à l'école, qui reste un défi pour l'Education nationale.

"J'attends des (futurs) signataires de la convention qu'ils se mettent au travail sérieusement", a conclu Henriette Zoughebi. Pour elle c'est une question de dignité.

 

François Jarraud ( compte rendu extrait du "cafe pedagogique" )

 

un autre compte rendu paru dans l'Humanité Un lycéen sur dix bosse à côté de ses études